Guerre de Troie - Suite de l'Iliade - Pâris
Home 3.jpg Aide 5.gif
loupe 7 zeus.gif Lien Qui sommes-nous.gif
Ms  
17 ©
Alors que les Troyens enterraient leurs morts, Polydamas leur dit; "Amis, une guerre maintenant trop terrible exerce contre nous ses fureurs ; il faut prendre une résolution qui puisse y mettre fin. Les Danaens nous vainquent et persistent à nous attaquer. Montons au faîte de nos tours solides, veillons-y nuit et jour en combattant, jusqu'à ce que les Danaens soient retournés dans la fertile Sparte, ou qu'ici même devant nos murailles ils se fatiguent de continuer un siège sans gloire".
Mais le vaillant fils d'Anchise (Enée) le réprimanda; "Polydamas, comment peut-on dire que tu es sage, quand tu nous proposes de subir dans la ville les longs ennuis d'un siège ? pendant ce temps, les Achéens ne souffriront point ; ils nous attaqueront avec plus d'ardeur, en nous voyant moins braves, et nous aurons l'ennui de nous consumer inutilement dans notre patrie, s'ils nous y assiègent si longtemps. Une fois enfermés dans la ville, personne ne nous apportera le blé de Thèbes, le vin de Méonie ; nous périrons misérablement de faim, à l'abri de nos murs". 
Il parla ainsi ; et tous applaudirent ses paroles ; aussitôt, choquant leurs casques, leurs boucliers et leurs lances, ils se donnaient mutuellement du courage. Alors les yeux du puissant Zeus regardèrent, du haut de l'Olympe, les Troyens et les Argiens qui se préparaient au combat ; et il excita leur courage afin de faire durer plus longtemps leur lutte opiniâtre.
La Discorde (Eris) remplit de fureur les guerriers, et excita la bataille, sans se montrer ; car un nuage sanglant entourait ses épaules, et elle s'élançait à grand bruit, tantôt sur l'armée des Troyens, tantôt sur celle des Achéens ; la Crainte (Deimos) et la Terreur (Phobos) l'accompagnaient, vénérant en elle la sœur (Enyo - belliqueuse -fille de Zeus est sœur d'Arès) de leur père (Arès - sur les champs de bataille, Arès était accompagné d'Enyo, Deimos et Phobos et d'Eris) . La cruelle déesse, qui, née de peu, grandit tellement, portait des armes d'acier, souillées de sang corrompu ; elle agitait dans l'air sa lance homicide, et, sous ses pieds, la terre sombre tremblait ; elle respirait un vent de feu et elle poussait sans cesse des cris horribles pour exciter les guerriers.
Enée, Eurymène du côté de Troie, Néoptolème, Diomède du côté des Grecs combattent, mais aussi Teucer renverse l'illustre Zéchis, fils de Médon, qui habitait la Phrygie, riche en moutons, près d'une caverne consacrée aux Nymphes à la belle chevelure ; c'est là que jadis, lorsque Endymion dormait près de ses bœufs, la Lune divine (Séléné) l'aperçut et descendit du ciel près de lui ; car un désir ardent l'attirait vers le jeune homme, quoiqu'elle fût immortelle. Et aujourd'hui encore sous les chênes se voit la trace de leurs amours ; en effet, tout alentour, est répandu le lait des vaches d'Endymion ; les mortels admirent ce prodige ; de loin on dirait la blancheur du lait ; de près c'est une eau pure ; plusieurs sources y naissent, et cependant le sol est formé de rochers.
Arès, Deimos et Phobos, Enyo sur la champ de bataille Gravure
Le fils de Péan (Philoctète) tue Deionéos et le vaillant Acamas, fils d'Anténor, puis une foule nombreuse de guerriers. Il s'élançait parmi les ennemis, semblable à l'invincible Arès, personne ne pouvait, en voyant le fils audacieux de l'illustre Péan, braver même de loin son approche. Car dans son cœur était une force prodigieuse, et il était muni des armes magnifiques du redoutable Héraclès.
Sur son baudrier resplendissant étaient des ours féroces et avides, des chacals affreux, des panthères à la gueule hérissée, puis des loups cruels, des sangliers aux dents blanches, des lions puissants, et tous ressemblaient merveilleusement à des animaux vivants. Tout autour étaient des batailles et des meurtres sanglants. 
Endymion et Séléné - Lagrenée
Le carquois énorme était orné d'autres dessins : on y voyait le fils de Zeus, Hermès aux pieds ailés, égorgeant près des eaux d'Inachos le géant Argos qui dormait, ne fermant que la moitié de ses yeux. A côté était le téméraire Phaéton qui tombait de son char au-dessus des eaux de l'Eridan ; de la terre embrasée s'élevait dans les airs une fumée noire, qui semblait réelle. Ensuite le divin Persée abattait l'horrible Méduse, à l'endroit où les astres se baignent dans la mer, aux confins de la terre près des sources de l'Océan, aux lieux où la Nuit se rencontre avec le Soleil couchant. Plus loin était le fils de l'invincible Japet, étendu sur les rochers élevés du Caucase et chargé de liens indestructibles ; un aigle rongeait ses entrailles sans cesse renaissantes et il semblait gémir de douleur. Telles étaient les armes que les mains célèbres d'Héphaîstos avaient fabriquées pour le vaillant Héraclès ; celui-ci les avait données au fils de Péan, son compagnon et son ami.
Baudrier, carquois et flèches d'Héraclès - Mosaïque
Fier de ces dons précieux, le fils de Péan renversait devant lui les bataillons. Enfin s'élança contre lui Pâris qui, plein de confiance, tenait à la main ses flèches cruelles et son arc flexible. Il lança un trait rapide qui siffla en quittant la corde ; il ne fut pas perdu, quoiqu'il n'atteignît pas Philoctète. le vaillant fils du noble Péan s'élança et tendit son arc en poussant un grand cri : «Chien, dit-il, je vais te donner la mort et le tombeau, puisque tu oses lutter avec moi. Ils pourront enfin respirer, ceux qui pour toi souffrent de cette guerre cruelle ; leurs maux finiront à ta mort, car c'est toi qui es l'auteur de leurs maux».
En parlant ainsi, il ramena la corde jusqu'à sa poitrine ; l'arc formait un demi-cercle ; et la flèche qu'il portait en dépassait à peine le bord ; puis la corde résonna quand le trait partit en sifflant ; et le héros frappa juste. Cependant Pâris ne perdait pas la vie, sa force lui restait ; car la flèche n'avait pas atteint une partie vitale ; elle avait effleuré légèrement sa peau. De nouveau donc il tendit son arc, mais le fils de Péan le prévint et l'atteignit d'un trait aigu au-dessus de l'aine. Pâris aussitôt, laissant le combat, s'enfuit, comme s'enfuit un chien, quand il a peur d'un lion que d'abord il avait attaqué ; ainsi Pâris, atteint profondément d'une blessure douloureuse, s'élançait hors du combat, tandis que les armées se heurtaient et partout semaient le carnage.
Cependant Pâris poussait de longs gémissements, et son cœur était rempli d'inquiétude à cause de sa blessure ; les médecins l'entouraient de leurs soins ; enfin les Troyens rentrèrent dans leur ville, et les Danaens revinrent à leurs vaisseaux noirs ; car la nuit sombre les avait rappelés du combat pour délasser leurs membres et répandre sur leurs paupières le sommeil réparateur. Mais le sommeil ne s'étendit point sur Pâris jusqu'à l'aurore. Personne ne pouvait le soulager, quoique tous les remèdes lui fussent prodigués ; car le destin avait décidé qu'il vivrait ou mourrait par les mains d'Oenone et à son gré. 
Enfin, obéissant à l'oracle, il prit à contre-cœur le chemin de la maison conjugale ; la triste nécessité le conduisait en présence de sa femme. Sur son passage chantaient des oiseaux de mauvais augure, les uns sur sa tête, les autres à sa gauche. Et lui, il les regardait, tantôt avec crainte, tantôt avec l'espoir que leur vol n'avait point de sens. Et cependant ils lui annonçaient une mort douloureuse. Il vint donc en présence de la noble Oenone ; à sa vue toutes les servantes furent étonnées, et Oenone elle-même. Lui, il se jeta aussitôt à ses pieds ; il était pâle, et la douleur, pendant la route, avait pénétré jusqu'au fond de ses entrailles, car le poison mortel de la flèche avait corrompu le sang dans la poitrine du guerrier ; et son cœur était dévoré par un cruel tourment. 
Oenone refusant de soigner Pâris - Léon Coignet - Fécamp - 1817
Pâris supplie; "Noble femme, tu vois ma souffrance ! ne sois pas irritée, si je t'ai autrefois laissée seule dans cette maison ; j'ai agi en aveugle ! un destin invincible me poussait vers Hélène. Plût aux dieux qu'avant de la connaître, j'eusse perdu la vie dans tes bras ! Au nom des dieux qui habitent le ciel, au nom de notre amour et de notre union, aie compassion de moi, chasse un ressentiment cruel, applique à ma blessure qui est mortelle le remède salutaire que les destins ont désigné pour me guérir ; tu le peux si tu le veux ; il dépend de toi de me sauver d'une mort douloureuse, ou non".
Mais Oenone lui répond; "Quoi ! tu oses venir devant moi ! moi, que tu as abandonnée au milieu des larmes, dans cette maison, pour cette fille de Tyndare, cause de tant de maux ! c'est elle que tu aimais, car elle est plus belle que ta femme, et l'on prétend qu'elle est à l'abri de la vieillesse. Va, cours à ses genoux, et ne reste pas ici, à me faire en pleurant le récit de tes maux. Plût aux dieux que j'eusse la force d'une bête sauvage, pour déchirer ton corps de mes ongles et boire ton sang, scélérat qui m'as fait tant de mal par ta folie ! Malheureux ! où est maintenant ta Cythérée avec sa couronne d'or ? où est Zeus oublieux de son gendre ? Demande leur secours, fuis de ma demeure, honte et fléau des Dieux et des hommes ! C'est pour toi, scélérat, que les Immortels eux-mêmes pleurent, les uns leurs petits-fils, les autres leurs fils, dévorés par la guerre. Va donc, va loin d'ici, cours dans les bras d'Hélène ! jour et nuit va gémir et pleurer au pied de son lit, lui montrer ta douleur et attendre d'elle le remède à tes maux !"
Elle le chasse, malgré leur serment de s'épauler coute que coute jusqu'à la mort et malgré les Destins qui fixaient commune leur temps de vie. Déjà dans l'Olympe Héra et les Heures voyaient le devenir de Déiphobe épousant Hélène et celui d'Hélénos trahissant les siens par dépit amoureux.
Pendant ce temps la vie abandonnait Pâris sur l'Ida et Hélène ne le vit plus revenir. Autour de lui, les Nymphes pleuraient amèrement ; car elles se souvenaient des choses qu'il leur disait tout enfant, quand il voyait leur troupe dansante. Avec elles pleuraient les bergers agiles, affligés jusqu'au fond du cœur, et les montagnes répondaient à leurs cris. Un berger se rendit au palais de Priam et annonça la triste nouvelle.
Hécube pleurait "son cher fils" et Hélène se lamentait, "Malheureux Pâris ! cause de mon malheur et du malheur de Troie, tu es mort tristement et tu me laisses dans un cruel malheur, avec la crainte de maux plus cruels encore. Plût au ciel que les Harpyes m'eussent enlevée quand je te suivais, conduite par un destin funeste. Maintenant les dieux t'ont frappé, et moi aussi, malheureuse ! car tous ici me détestent, tous se détournent de moi, et je n'ai plus d'asile ; si je m'enfuis au camp des Danaens, tous me frapperont ; et si je reste, les Troyens et les Troyennes viendront m'assaillir et me déchirer ; mon cadavre n'aura même pas la sépulture, mais il deviendra la proie des chiens et des oiseaux rapides. Plût au ciel que le Destin m'eût ôté la vie avant de voir de tels maux !"
Oenone et  Pâris mourant
Seule, à l'écart, Oenone, l'âme désolée, fuyant l'approche des autres femmes, gémissait, étendue à terre au fond de sa demeure, et pleurait l'amour de son ancien mari. Suivant son destin, à la nuit, elle sortit de son palais, elle arriva à travers la montagne à l'endroit où les Nymphes pleuraient autour du cadavre d'Alexandre. Déjà les flammes impétueuses du bûcher l'entouraient ; car les bergers rassemblés de tous côtés dans la montagne avaient amassé une grande quantité d'arbres, afin de rendre les derniers devoirs à leur compagnon et à leur prince ; et ils pleuraient amèrement alentour. En voyant le cadavre, elle ne pleura pas, quoique affligée ; mais cachant, sous ses voiles, son visage si beau, elle s'élança dans le bûcher, et, au milieu des cris de tous les bergers, elle se brûla près de son époux.
Enfin quand le feu dévorant eut consumé ensemble Oenone et Pâris, et les eut réduits en une même cendre, les bergers éteignirent le feu dans le vin, enfermèrent leurs ossements dans une urne d'or et leur élevèrent un tombeau de terre ; au-dessus ils dressèrent deux colonnes, tournées aux côtés opposés de l'horizon.