Guerre de Troie - Prise de Troie - Sinon
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L'aurore n'était pas loin de paraître, lorsque la Renommée, qui ne sait rien taire, vint répandre la terreur dans l'esprit des Troyens et de leurs épouses, en leur montrant les torrents de fumée qui s'élevaient dans l'air. A l'instant ils se rendirent en hâte hors de leurs portes. Bientôt la campagne fut couverte de gens à pied et à cheval, cherchant à reconnaître si ce qu'ils voyaient n'était point une ruse de la part des Grecs. Les uns, traînés dans leurs chariots par d'agiles mulets, accompagnaient hors des murs leur roi Priam ; les vieillards, ranimés à la vue de ceux de leurs enfants qui avaient échappé à la fureur de Mars, accouraient en diligence, malgré la pesanteur de l'âge ; ils se promettaient enfin de voir couler le reste de leurs jours dans une heureuse liberté. Mais hélas ! leur joie ne devait pas durer longtemps, et les décrets de Jupiter étaient près de s'accomplir.
Les Troyens n'eurent pas plutôt aperçu le cheval de merveilleuse structure, qu'ils se rassemblèrent autour de lui pour le considérer. Ils ne pouvaient se lasser de se récrier sur la beauté de ce chef-d'oeuvre.  Dans l'admiration dont les Troyens sont saisis, ils forment mille projets aussi légers qu'absurdes, sans savoir auquel s'arrêter. Ceux-ci, rebutés d'une guerre qui les a épuisés, et détestant une machine qui est l'ouvrage de leurs ennemis, veulent qu'on la précipite du haut des rochers les plus élevés, ou qu'elle soit détruite par le tranchant de la hache : ceux-là, espérant tirer quelque parti d'un chef-d'oeuvre aussi parfait, et désirant de le conserver, veulent en faire une offrande aux immortels, et le suspendre aux voûtes de leurs temples, où il deviendra peut-être dans la suite le sujet de nouvelles hostilités, si les Grecs sont tentés de le reprendre.
Tandis qu'on délibérait sur ces divers expédients, on vit paraître dans la campagne un misérable couvert de plaies, et dont aucun vêtement ne cachait l'affreuse nudité : les meurtrissures qui paraissaient à la surface de son corps étaient les marques d'autant de coups de fouet donnés avec force. Il s'approcha, et, se voyant à portée de Priam, il se jeta à ses pieds, lui tendit des mains suppliantes, et après avoir embrassé les genoux du vieillard, il implora sa clémence en lui adressant ce discours artificieux :
 "Illustre héritier du trône de Dardanus, si tu daignes prendre en pitié un malheureux qui a passé les mers avec les Grecs pour aborder en ces lieux, tu sauveras la vie à un homme destiné à être le libérateur des Troyens et de leur ville, en un mot, à l'ennemi mortel des Grecs. Vois en quel horrible état ils m'ont mis : sans doute ils craignent peu la vengeance céleste. Hélas ! que leur avais-je fait pour me traiter si indignement ? Mais ce n'est pas la première injustice dont ils se sont rendus coupables.
N'ont-ils pas commis la plus noire ingratitude en enlevant à Achille le prix de son courage (Briséis enlevé par Agamemnon)? Philoctète, abandonné par eux dans une île déserte, n'a-t-il pas éprouvé toute leur perfidie ? Palamède enfin n'est-il pas tombé sous leurs coups, victime d'une basse jalousie ? Quel triomphe pour les Grecs, si tu permettais aux Troyens de violer en ma personne les droits de l'infortune et de l'hospitalité ! Daigne m'accueillir, et je te promets que tu n'auras point à craindre de la part des Grecs de nouvelles hostilités".
Gravure du Cheval de Troie
Priam le fit soigner et vêtir puis l'interrogea, L'étranger, toujours fécond en ruses et feignant de prendre courage, repartit ainsi : «Je répondrai à toutes tes questions, puisque tu me l'ordonnes. J'ai reçu le jour dans Argos, et je me nomme Sinon. Aésimus, un mortel blanchi par les années, est mon père. C'est au génie d'Epéus que les Grecs doivent l'invention de ce cheval, que d'anciens oracles leur avaient promis. Sache que les dieux ont arrêté que si vous le laissez dans la campagne, Troie doit tomber au pouvoir des Grecs : si Pallas au contraire le reçoit dans son temple comme un hommage rendu à sa divinité, vos ennemis s'enfuiront, honteux d'avoir fait jusqu'ici d'inutiles efforts. Ne perdez donc point de temps ; entourez de chaînes ce cheval au frein d'or, et amenez-1e ainsi dans votre citadelle, dont l'enceinte est si chère à la déesse des combats».