Guerre de Troie - Prise de Troie - Signal
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Cependant Sinon, ayant allumé des feux, donnait aux Grecs le signal convenu. Hélène à son tour, voulant les favoriser, leur montrait du haut de son palais une torche ardente. Telle Hécate, brillant d'un éclat non pareil, dore la voûte céleste qui s'éclaire à son aspect, telle l'épouse de Ménélas étincelait, dans l'obscurité de la nuit, de l'éclat que lui prêtait la flamme qu'elle avait allumée en faveur des Grecs. Ceux-ci, apercevant de loin les flambeaux que leur tendait une si belle main, s'empressèrent d'aborder aux rivages phrygiens qu'ils avaient feint de vouloir quitter. Les rameurs faisaient diligence, pressés du desir de terminer une guerre malheureuse ; il leur tardait de quitter la rame pour s'élancer dans la mêlée ; impatients d'arriver, ils s'animaient l'un l'autre.
 Les vents, secondant leur ardeur et soufflant avec violence sur leurs vaisseaux, les eurent bientôt portés devant Troie, où ils abordèrent heureusement sous les auspices de Neptune. A l'instant les matelots, devenus soldats, se mirent en marche, laissant derrière eux leurs cavaliers, de crainte que les chevaux des Troyens, hennissant à l'approche de leurs cavales, n'éveillassent leurs maîtres.
Déjà les guerriers enfermés dans le ventre du cheval s'élançaient hors de ses flancs, tels les Grecs, sortant d'embuscade et sautant à terre, fondaient impétueusement sur les Troyens. Le sommeil dans lequel ils les trouvèrent plongés devint le sommeil de la mort. Elle n'eut pour eux d'autres horreurs que les songes funestes qui vinrent s'offrir à leur esprit. Le carnage fut tel, qu'on vit la terre inondée de sang ; l'air retentissait à chaque instant des cris des vaincus fuyant au-devant de leurs meurtriers : la cité était ébranlée par la chute des morts qui tombaient sans mouvement. Les vainqueurs, semblables à des lions furieux, portaient le tumulte dans tous les quartiers, et jonchaient les rues des cadavres de leurs ennemis. Les femmes troyennes, entendant tout ce fracas du haut de leurs toits et soupirant sur la perte de leur liberté, présentaient la tête à leur époux en leur demandant le coup mortel ; les mères désolées répandaient des larmes sur leurs enfants, comme on voit la tendre hirondelle, lorsqu'elle a perdu les fruits de ses amours, se désespérer en voltigeant autour de son nid. 
Tandis que les chefs ouvraient les portes de la cité, Bellone, cette déesse qui se plaît tant à s'abreuver de sang, passa toute cette nuit dans l'ivresse et la joie : on la vit traverser la ville en dansant, semblable à la tempête qui soulève jusqu'aux nues les flots de la mer bruyante. La Discorde, dont la tête atteint jusqu'aux cieux, travaillait de concert avec elle à exciter l'ardeur des Grecs. Le terrible Arès se joignit aussi, quoique un peu tard, à ces divinités : il venait secourir les enfants de Danaus (Grecs), et il avait fixé en leur faveur la victoire inconstante. 
Cependant la déesse aux yeux bleus, secouant l'égide du maître des dieux, fit retentir la citadelle d'Ilion de ses cris horribles ; Junon accourant à ce bruit, l'air en frémit ; la terre, ébranlée par le trident de Neptune, répondit à ce fracas ; le souverain des enfers fut troublé d'effroi ; il se précipita à l'entrée de ses royaumes sombres : ce dieu craignait que Jupiter irrité n'eût enfin détruit l'espèce humaine, et que Mercure n'amenât dans son empire tant d'âmes dégagées de leur enveloppe. Une confusion épouvantable régnait dans toute la ville. Les meurtriers s'abandonnaient à leur rage, sans considérer quelles étaient leurs victimes. Des soldats arrêtés auprès de la porte Scée massacraient tous ceux qu'ils voyaient fuir vers eux ; quelques-uns, surpris au saut du lit, se sentirent percés par une main inconnue, dans le temps qu'ils cherchaient eux-mêmes leurs armes pour aller au combat
Hélène - Gustave Moreau